Coup de tonnerre : derrière la création du contenu d’interprétation

En 2023, le Fonds Purge LGBT a mis au point le contenu d’interprétation destiné au Monument national 2ELGBTQI+. Ses textes, citations, images et légendes feront le récit de la discrimination à l’endroit de la communauté 2ELGBTQI+ au Canada, depuis les origines coloniales de l’homophobie, de la biphobie et de la transphobie jusqu’à la cruauté du gouvernement du Canada pendant la purge LGBT. On y trouve aussi des histoires de résistance et de résilience, ainsi qu’un appel à la vigilance face à la haine.

Les messages clés seront inscrits sur un panneau à l’entrée du site et sur un long mur d’interprétation. Deux panneaux sur pied expliqueront également le concept du monument et son lien avec le projet dans son ensemble.

Le site sera jalonné de panneaux d’introduction (en bas, à gauche), de panneaux sur pied expliquant le concept du monument (au milieu, à droite) et d’un long mur d’interprétation (à droite).

UNE HISTOIRE QU’IL NOUS REVIENT DE RACONTER

Le monument Coup de tonnerre est réalisé en collaboration avec Patrimoine canadien et la Commission de la capitale nationale, mais il est financé en totalité par le Fonds Purge LGBT à partir des fonds issus du règlement du recours collectif. Comme ce sont les expériences de la communauté 2ELGBTQI+ qui y sont racontées, il était primordial pour le Fonds de rédiger le contenu de sa propre plume.

En 2023, notre entente officielle avec le gouvernement a été modifiée pour préciser que le Fonds préparerait le matériel d’interprétation et en approuverait la version définitive. Nos partenaires au gouvernement en convenaient : c’est à nous qu’il revient de raconter notre histoire.

UNE DÉMARCHE DE COLLABORATION AVEC LA COMMUNAUTÉ

Le contenu d’interprétation est fondé sur la vision du monument, qui a été définie en 2019 et 2020 avec l’apport de centaines de membres de la communauté. Toutes les dimensions de ce projet, y compris les propositions des équipes de design, sont enracinées dans cette vision.

Une première mouture de la vision a été rédigée en collaboration avec les membres du Comité consultatif du monument et du Cercle autochtone. Des centaines de personnes ont ensuite pu la consulter et partager leurs réflexions en ligne dans des groupes de discussion et un sondage national. Celles qui ont survécu à la purge LGBT ont participé en grand nombre à ce processus.

En 2019, le Comité consultatif du monument et le Cercle autochtone se sont réunis pour rédiger une première version de la vision.

Notre vision définit les objectifs du monument – éduquer, commémorer, célébrer et inspirer – ainsi que ses principes : l’inclusion, l’autochtonéité, la visibilité et l’intemporalité.

UNE APPROCHE GUIDÉE PAR DES SPÉCIALISTES

Armé de cette vision, le Fonds a entrepris la rédaction du contenu d’interprétation avec l’aide du Comité d’éducation et d’interprétation (CEI). Le comité s’est réuni pour la première fois en 2022 pour convenir des grands principes qui encadreraient l’exercice.

Sous ses conseils, le Fonds s’est engagé, dans son approche, à :

  • éviter les chronologies et les récits d’héroïsme (se concentrer sur des événements ou des gens en particulier revient à en exclure d’autres);
  • aborder le contenu d’un point de vue communautaire et non institutionnel;
  • véhiculer les expériences et les émotions au moyen d’histoires personnelles;
  • donner à la communauté la possibilité de participer;
  • traiter de l’intersectionnalité des expériences d’exclusion;
  • attirer l’attention sur l’étendue de l’expérience bispirituelle et les répercussions de la colonisation;
  • mettre le public au défi de réfléchir à l’histoire autrement;
  • souligner l’importance des relations sexuelles dans l’histoire et l’expérience de la communauté;
  • ne pas s’abstenir de rédiger du contenu politiquement engagé;
  • utiliser un langage à la fois évocateur, émotif et accessible.

L’expertise des membres du CEI touchait notamment l’histoire de la bispiritualité, l’histoire de la communauté et de son militantisme, la conservation, la mise en récit, l’archivistique et la sensibilisation du public.

À la recommandation du comité, nous avons opté pour une approche permissive à l’égard de la langue. Cela signifie, par exemple, que nous ne nous limitons pas à un seul sigle pour décrire nos différentes communautés : nous utilisons le mot « queer », la terminologie d’OSIGEG et d’autres sigles. Nous représentons et respectons ainsi les différents termes que les gens utilisent pour se décrire, et tentons par le fait de produire des textes qui ne semblent pas figés dans le temps.

Enfin, toujours grâce aux conseils éclairés de ces spécialistes, nous avons travaillé à universaliser le contenu d’interprétation. Plutôt que de nous concentrer sur des gens ou des événements distincts, par exemple, nous avons choisi de parler d’expériences collectives. C’est aussi pour cette raison que nous n’avons situé les photos ni dans le temps ni dans l’espace, et que nous n’avons utilisé que des prénoms au moment d’attribuer les citations. Nous tenons à ce que tout le monde puisse se reconnaître en elles.

DISTILLATION, DISCUSSION, PEAUFINAGE

Fort de cette approche, le Fonds s’est inspiré d’innombrables récits de personnes ayant survécu à la purge, documentaires, histoires recensées à l’oral et à l’écrit, travaux de recherche et bien d’autres sources encore. Nous avons travaillé avec de multiples archives pour sélectionner des images et d’autre contenu visuel, et nous avons recueilli des citations de membres de la communauté qui ont généreusement accepté de nous prêter leurs mots.

La rédaction a été une démarche collective : il nous a fallu distiller le contenu, en discuter et le peaufiner.

Le contenu d’interprétation a bénéficié du soutien de multiples spécialistes et de nombreuses archives, y compris des Two-Spirit Archives, des Archives gaies du Québec et de The ArQuives (photo).

Au bout du compte, ce sont 34 spécialistes en sensibilisation du public, en conservation, en histoire et défense des intérêts des personnes bispirituelles, en archivistique et en activisme communautaire, entre autres, qui ont passé au crible chaque mot, chaque citation et chaque image du contenu d’interprétation. Des personnes ayant survécu à la purge ont aussi pris part à l’exercice, tout comme des membres du conseil d’administration, du Cercle autochtone, du Comité consultatif du monument et du Comité d’éducation et d’interprétation.

Leurs réactions ont été extrêmement positives, et leurs commentaires, des plus constructifs. Pendant les mois de discussion qui ont suivi, des révisions ont été apportées au contenu. Chaque remarque a été soigneusement étudiée, et c’est ainsi que petit à petit, un texte complet a commencé à prendre forme.

MESSAGES CLÉS

Nous avons fini par articuler le contenu autour de plusieurs grands thèmes, chaque section ayant été conçue pour répondre à une question clé. Vous devrez patienter jusqu’à l’inauguration du monument pour consulter la version définitive du texte, mais c’est avec plaisir que nous vous dévoilons les titres de chaque section du mur principal et les questions auxquelles on y répond.

  • La purge LGBT
    Répond à la question : Qu’est-ce que la purge LGBT et comment a-t-elle pris fin?
  • Le pouvoir et l’oppression
    Répond à la question : De quelle façon l’État a-t-il contribué à l’oppression?
  • La discrimination à l’endroit des personnes 2ELGBTQI+ au Canada
    Répond à la question : Au-delà de la purge, de quels types de discrimination les personnes 2ELGBTQI+ ont-elles souffert?
  • Des vies ravagées
    Répond à la question : Quelles ont été les répercussions de la discrimination à l’endroit des personnes 2ELGBTQI+?
  • Le militantisme queer au Canada
    Répond à la question : D’où le mouvement queer tient-il son origine?
  • La résistance et le changement
    Répond à la question : Comment la résistance de la communauté a-t-elle changé le cours de l’histoire?
  • L’expérience queer autochtone et le colonialisme
    Répond à la question : Quel est le lien entre l’homophobie et le colonialisme? Quelles répercussions le colonialisme a-t-il eues sur les personnes queers autochtones?
  • Une multitude de communautés et d’expériences
    Répond à la question : Quels recoupements existent entre la discrimination à l’endroit des personnes 2ELGBTQI+ et d’autres types d’oppression? Pourquoi faut-il faire preuve de vigilance?

Le mur d’interprétation présente des images et des légendes qui décrivent une multitude d’expériences et de chapitres de l’histoire de notre communauté.

Les réponses à ces questions seront fournies sous forme de texte, mais aussi de citations et d’images accompagnées de légendes. Le public sera par ailleurs invité à participer et à partager ses histoires directement sur le site Web du monument.

UNE HISTOIRE QUE NOUS CONTINUERONS À ÉCRIRE ENSEMBLE

La rédaction du contenu d’interprétation a été ardue. En fait, il nous a été fortement suggéré d’abandonner le projet avant même qu’on ne s’y attaque. Résumer les expériences de la communauté, nous disait-on, serait une tâche digne d’Hercule : elle relèverait de l’impossible. Nous n’avons pas baissé les bras pour autant.

Nombreux étaient les défis à surmonter. Il nous fallait refléter une gamme d’expériences d’une communauté plurielle dans un souci d’inclusion, mais aussi de concision. Nous devions également tenter de rejoindre un vaste public : personnes ayant survécu à la purge, pédagogues, jeunes en quête de leur identité, gens en promenade avec leur chien…

Le Fonds ne se cache pas des difficultés qu’un tel exercice représente. Nous savons que le résultat ne sera jamais parfait, mais nous croyons qu’il en vaut le coup. Nous avons tâché de nous entourer d’un maximum de spécialistes tout au long du processus, et bien que nous savons que le contenu du monument demeurera à jamais incomplet, nous inviterons toutes nos communautés à y contribuer encore longtemps après le dévoilement de ces panneaux.

À chaque personne son histoire à partager; après tout, il n’y a pas deux vécus ou deux points de vue pareils. Et, bien entendu, l’histoire de la justice 2ELGBTQI+ continue de s’écrire à ce jour.

Le Monument national évolue

En mars 2022, on annonçait que Coup de tonnerre, la proposition chapeautée par Public City Architecture à Winnipeg, avait remporté le concours pour la conception du Monument national 2ELGBTQI+. L’équipe a été sélectionnée par un jury, qui a passé au peigne fin les remarques de notre cercle autochtone, du comité consultatif du Monument, de la Commission de la capitale nationale et du public.

Depuis, le concept a été peaufiné pour intégrer les commentaires de ces parties prenantes, des titulaires de droits et du Fonds Purge LGBT. La proposition gagnante s’est ainsi beaucoup précisée. Certaines de ses composantes sont encore appelées à évoluer, mais c’est avec plaisir que nous dévoilons aujourd’hui de nouveaux rendus.

Le pont et la rampe proposés dans le concept original ont été retirés par mesure de sécurité. L’attention se portera plutôt sur l’élément central : la colonne et le puissant cumulus qu’elle abrite. Le site est aussi désormais plus ouvert, ce qui facilitera l’accès au lieu, lui conférera de la spaciosité et le rendra plus visible.

La sculpture centrale, qui évoque un cumulus recouvert de tuiles miroirs, est désormais plus ouverte; ses formes ont aussi été simplifiées. Elle continue toutefois de symboliser la force, les revendications et l’espoir des communautés 2ELGBTQI+.

L’espace où les hommages seront rendus a été ramené au niveau et s’ouvre désormais sur le reste du site. Les gens pourront s’y asseoir autour d’un érable à sucre, qui trônera en son centre. L’imposant panneau d’interprétation, à droite, pourra accueillir quantité d’information sur la purge LGBT et la discrimination généralisée à l’endroit des personnes 2ELGBTQI+ au Canada, y compris sur les effets insidieux du colonialisme sur les personnes bispirituelles.

Le jardin médicinal, aménagé en bordure du réseau de sentiers en serpentin, demeure une composante dominante du concept.

Le foyer et le cercle de guérison ont été améliorés : les places assises sont désormais réparties sur différents niveaux. On y trouve toujours des pierres cueillies personnellement par des aîné·e·s bispirituel·le·s des 13 territoires et provinces.

Le site en soi a été élargi, et le nouveau plan prévoit une meilleure séparation avec le très populaire sentier qui longe la rivière. L’ajout d’arbres, de remblais et de sentiers intérieurs donne au Monument un caractère plus intime. Des espaces de réflexion sont aménagés ici et là; ils se font plus nombreux à mesure que l’on se rapproche du verger (au nord-est) à partir de l’entrée (au sud-ouest).

La scène a été agrandie et son concept, retravaillé. Son système d’éclairage en fera un espace incroyable où faire la fête. Vivement l’inauguration en 2025!

Nous remercions de tout cœur l’exceptionnelle équipe de design pour son génie créatif et son talent pour la résolution de problèmes : Liz Wreford, Peter Sampson, Taylor LaRocque et Maggie Bonnetta (Public City), les artistes Shawna Dempsey et Lorri Millan, et le conseiller et spécialiste bispirituel Albert McLeod. Merci également aux équipes de Patrimoine canadien et de la Commission de la capitale nationale, qui voient à ce que le projet progresse en douceur et sans ambages.